1
ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait
de
débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
2
celles en particulier qu’implique la publication
de
notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
3
is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait
de
mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
4
jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison
d’
être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
5
s semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La
vie
d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser d
6
mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie
d’
aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
7
le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser
de
nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
8
que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation
d’
être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
9
s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés
de
chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
10
rcher plus patiemment encore à nous comprendre et
de
nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
11
s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question
de
les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
12
unes qui passent… » Pas question de les saluer ni
d’
emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
13
e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement
de
retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
14
e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et
de
les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
15
les considérer avec sympathie. Il est bien facile
de
s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
16
cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et
de
se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
17
: « Après moi, le déluge ! », et de se détourner
de
ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
18
uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume
d’
appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
19
notre « désordre ». Mais on est toujours le fils
de
quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
20
eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté
d’
indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
21
té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons
de
vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
22
tre, nous nous empressons de vous laisser le soin
de
juger si nous avons de quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, av
23
ns de vous laisser le soin de juger si nous avons
de
quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
24
plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
de
la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
25
indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe
de
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
26
, mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce
d’
une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propo
27
volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis
de
, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
28
a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
29
Paradoxe
de
la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps p
30
us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines
de
ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
31
de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu
d’
une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
32
us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours
de
probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
33
le prétexte toujours de probité intellectuelle ou
de
courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
34
u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur
d’
une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
35
e vertu première — et qui légitime tous les dénis
de
morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
36
n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs
de
grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
37
e originale : tant qu’à la fin la notion concrète
de
sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
38
e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations
de
votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
39
me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus
de
choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
40
» (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté
de
tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
41
cientifique, à la fois curieuse et désintéressée,
de
naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
42
la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste
de
l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
43
reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé
de
l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
44
us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage
de
tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
45
ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance
de
ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
46
yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour
de
notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
47
it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode
d’
observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
48
hors de soi. Seule, une méthode d’observation et
de
déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
49
donner l’illusion et peut-être certains bénéfices
de
cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
50
ette opération idéale. En même temps, la froideur
d’
une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
51
aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a
de
déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
52
ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort
d’
un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
53
laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager
de
confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
54
ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide.
D’
où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
55
», écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte
de
passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
56
rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine
de
la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
57
e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là
de
sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
58
ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros
de
roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
59
iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord
de
s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
60
ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés
de
l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
61
audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde
de
confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
62
e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas
de
gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
63
us incongru du héros n’est jamais que le résultat
d’
un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
64
t gratuit que relativement à un système restreint
de
références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
65
à un système restreint de références. Il résulte
de
semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
66
lte de semblables considérations, dans le domaine
de
la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
67
ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen
de
se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
68
leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est
de
mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
69
e se livrer à ses déterminants, c’est de mener la
vie
gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté.
70
uite que réclament les surréalistes. Le contraire
de
la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
71
s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen
de
connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
72
Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale
de
soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
73
is pour être moins pittoresque et plus « entachée
d’
utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
74
ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible,
d’
un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
75
e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne
de
me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
76
suffisamment son rôle en se bornant à nous donner
de
nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
77
se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que
de
nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
78
e nous constater, doit nous construire — selon le
mode
le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux.
79
scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir
d’
action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
80
tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps
de
le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
81
ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive
de
la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
82
je le fausse, puisque je le prive de la puissance
de
se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
83
frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal
de
l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
84
l’attention — et fatalement c’est à la découverte
d’
une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
85
e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu
d’
accomplir ce que l’élan appelait. Second exemple. — J’éprouve le be
86
ppelait. Second exemple. — J’éprouve le besoin
de
faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
87
ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment
de
mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
88
. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir
de
certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
89
profondes et indéfinies (telle sensation physique
de
bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
90
ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares
d’
automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
91
dans des fourrures, personne ne sait la richesse
de
ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
92
des fourrures, personne ne sait la richesse de ta
vie
…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retro
93
. J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet
de
notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
94
oposaient à mon souvenir ont été passés au crible
de
la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
95
te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user
d’
une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
96
’une image plus précise, cette minute est baignée
d’
une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
97
lus précise, cette minute est baignée d’une lueur
de
tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
98
te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou
de
sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
99
énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
de
certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
100
trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un
de
ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
101
ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant
de
la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
102
, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma
de
tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
103
de tout un genre littéraire moderne, cette espèce
de
confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
104
tte espèce de confession romancée dont les livres
de
Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
105
e de confession romancée dont les livres de Bopp,
d’
Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
106
ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland,
de
Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
107
livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout
de
René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs
108
us ces livres évoquent assez précisément la forme
d’
un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
109
ent assez précisément la forme d’un entonnoir. La
vie
serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se
110
se regarder vivre, le personnage à douter du sens
de
sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
111
arder vivre, le personnage à douter du sens de sa
vie
) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers
112
t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre
de
soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
113
aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film
de
mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
114
: ce qui était élan devient recul, et l’évocation
de
mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
115
e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction
de
moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
116
le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant
de
René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
117
la démonstration la plus cynique que je connaisse
de
ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
118
ofondir — il était venu y chercher quelque raison
de
vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
119
s purement (« cette curiosité donnée comme raison
d’
une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
120
uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire »
de
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
121
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur
de
l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
122
able tristesse qui rôde dans certaine littérature
d’
aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
123
plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite
de
toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
124
ction, en littérature et en morale. Impossibilité
de
faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
125
toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger
de
faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
126
e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine
d’
éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
127
est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage
d’
un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
128
s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement,
d’
une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
129
le gage d’un enrichissement, d’une consolidation
de
l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
130
solidation de l’individu mais avant tout un moyen
de
se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
131
ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter
d’
être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
132
haiter d’être différent », ce qui est la négation
de
tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
133
», ce qui est la négation de tout progrès moral.
De
la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
134
grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen
de
connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
135
sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême
d’
un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
136
assez étroites empiriquement fournies par le sens
de
son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
137
découvrir quelques richesses et ne serve parfois
de
contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
138
r, tant dans le domaine littéraire que dans celui
de
l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
139
ue dans celui de l’action. En littérature : refus
de
construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
140
e l’action. En littérature : refus de construire,
de
composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
141
Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe
de
soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
142
r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et,
d’
un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
143
créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte
de
sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
144
C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient
d’
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
145
lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit
de
gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme
146
réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité
d’
agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
147
paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation
de
la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
148
ments du moi, moins le principe unificateur ».
De
quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
149
De quelques sophismes libérateurs La fonction
de
l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
150
érateurs La fonction de l’homme est aussi bien
de
croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
151
fonction de l’homme est aussi bien de croire que
de
constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
152
e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée
d’
un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
153
La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien
de
spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
154
n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore
de
la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
155
la sincérité est la recherche, puis l’acceptation
de
toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
156
mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin
de
mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
157
besoin de mentir. Il devient dès lors impossible
de
faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
158
z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point
d’
oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
159
nsonge », ce choix faux mais bon, nécessaire à la
vie
, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire
160
ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que
de
s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
161
ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt
de
l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
162
ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté
de
sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
163
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient
de
l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
164
ser. Petite anthologie ou que le « style » est
de
l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
165
l’homme même J’en étais à peu près à ce point
de
mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
166
s à peu près à ce point de mes notes — à ce point
de
mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
167
t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient
d’
appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
168
inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard
de
quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
169
ote des passages suivants (les paraphraser serait
d’
une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
170
igne — ils marquent au reste fort bien les jalons
de
cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
171
de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins
de
sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
172
ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus
de
style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
173
n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que
d’
être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
174
istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale
de
M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
175
erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait
de
garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
176
-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale
d’
un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
177
équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable
d’
entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
178
appelle une œuvre sincère est celle qui est douée
d’
assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
179
une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez
de
force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
180
celle qui est douée d’assez de force pour donner
de
la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
181
me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour
de
l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
182
remière fois que certains, peut-être, jouent leur
vie
. Rien ne paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge.
183
paraît plus sinistre à la sincérité presque pure
de
cet âge. Mais il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’un
184
il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité
d’
un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
185
time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute
de
ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
186
rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que
de
tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
187
vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité
d’
y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
188
moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela
de
l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
189
Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge
de
l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
190
................. Le vent se lève, il faut tenter
de
vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
191
t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein
de
ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
192
Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe
d’
une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
193
ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût
d’
un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
194
bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la
vie
me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un p
195
rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli
de
ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
196
sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve
d’
un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
197
quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal
de
fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
198
t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve
de
ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
199
ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie
de
joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
200
es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait
de
toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
201
ors qu’une symphonie de joies émanait de toute la
vie
: chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus
202
tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire
de
telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
203
ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche
d’
inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
204
is, vers tout ce que momentanément je choisissais
de
laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
205
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible
d’
attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
206
vers quoi je me portais, mais bien ces figurants
de
mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
207
C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
de
l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
208
une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance
d’
une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
209
discrètement les décisions et les rend complices
d’
un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
210
lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle
de
l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
211
— en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux
d’
idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
212
d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus
de
l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
213
ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte
d’
un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
214
que cette agilité offensive qu’on appelle dans la
vie
publique arrivisme, et séduction dans les salons. Constater une faib
215
une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin
de
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
216
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit
de
nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
217
s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce
de
souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
218
ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire
de
soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
219
ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu
d’
une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
220
é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que
de
toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
221
me je veux être !… 1. La véritable description
de
l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
222
ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité
de
traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. «
223
langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit
de
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
224
que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou
d’
écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
225
ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir
de
certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont
226
e moins une certitude qu’un désir de certitude né
de
quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Par
227
ute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis
de
, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuc
228
(René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe
de
la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
229
ont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
230
dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets
de
vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
231
nt quels anges fous. L’horaire dicte un adieu, La
mode
qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un fa
232
s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe
d’
un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revu
233
e on signe d’un faux nom. d. Rougemont Denis
de
, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
234
ougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
235
Conte métaphysique : L’individu atteint
de
strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur
236
ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus
d’
hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
237
’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions
de
chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
238
famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que
d’
authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
239
accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès
de
bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
240
printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon
d’
une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
241
pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira
d’
une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
242
a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge
d’
Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
243
s remarquablement exagérées, lui valait le surnom
de
Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
244
On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées
de
leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
245
s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis
de
la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
246
un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe
de
sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
247
é, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa
vie
normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fo
248
oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort
d’
une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
249
e et française, dédaigna des avances que la perte
de
son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
250
se, dédaigna des avances que la perte de son sens
de
l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
251
ile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis
de
, « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Be
252
e. f. Rougemont Denis de, « L’individu atteint
de
strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
253
atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
254
Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons
d’
un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
255
: Billet circulaire pour Paul Morand, auteur
de
« Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
256
ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur
de
maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
257
ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman
de
caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
258
matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt
de
sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
259
tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
de
pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
260
: Mardi dernier a été célébré en l’église grecque
de
la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
261
église grecque de la rue Georges Bizet le mariage
de
M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
262
la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre
de
Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont D
263
encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis
de
, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
264
h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
265
’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux
de
vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
266
de vous écrire au moment où je vais me suicider,
d’
autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
267
ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion
de
mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
268
ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux
de
plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
269
existiez en moi, à certain désagrément que j’eus
de
vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
270
entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage
de
les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
271
nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un
de
mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
272
vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4,
de
me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
273
romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus
d’
une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
274
ecrètement attirante ; et je pensais que la force
de
mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
275
sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais
d’
entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
276
alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image
d’
un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
277
vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège
de
rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
278
dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais
d’
un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
279
ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles
de
champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
280
mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé
de
confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
281
es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas
d’
un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
282
op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie
d’
un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
283
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue
d’
un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
284
a table en désordre où je venais de jeter mon col
de
smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
285
n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse
d’
une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
286
illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
de
m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
287
l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur
de
vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
288
sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions
d’
oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
289
une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures,
d’
un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
290
disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès
d’
elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
291
evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet
de
dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
292
r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée
de
vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
293
oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris
de
numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
294
Je finissais par vous voir partout. Chaque visage
de
femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
295
Chaque visage de femme révélait soudain un trait
de
votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
296
ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle
de
cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
297
éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus
de
luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
298
Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause
d’
une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
299
tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt
de
la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
300
s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche
de
métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
301
utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit
d’
un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
302
ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard
de
damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
303
épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments
de
rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
304
nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes
de
phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
305
les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna
de
force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
306
roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur
de
la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
307
tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels
d’
autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
308
, mais il me semble que toutes choses s’éloignent
de
moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
309
du la notion du temps. Je ne me souviens plus que
de
cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
310
ue de cette déception insupportable et définitive
de
mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
311
-je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond
de
ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
312
truction, ce rongement, cette sournoise recherche
de
tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
313
recherche de tout ce qui me navre au plus intime
de
mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
314
sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste
de
ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
315
que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma
vie
, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans fin… Il
316
e ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis
de
, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
317
ougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
318
ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés
de
la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
319
préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note
d’
Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
320
Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile
de
dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
321
e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est
d’
y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
322
ibles deux interprétations symboliques au moins ;
de
ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
323
s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher
d’
y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
324
songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ;
de
ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
325
« tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus
de
soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
326
pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau
d’
en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
327
, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un
de
ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
328
prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse
de
« vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
329
est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond
de
la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
330
ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin
de
la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
331
s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées
de
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
332
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait
de
distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
333
ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes
de
calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
334
-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue
de
certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
335
alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules
de
taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
336
i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer
de
chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
337
ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre
d’
art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
338
dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques
de
cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
339
cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et
de
la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
340
tif restera l’un des titres les plus authentiques
de
Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
341
se utilisation des expressions courantes, maximum
de
« situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
342
ituation » des personnages obtenu avec un minimum
de
répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
343
parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style
de
théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
344
pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre,
d’
une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
345
tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre,
d’
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
346
d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère
d’
un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
347
es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons
d’
en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
348
n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est
d’
avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
349
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère
de
l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
350
rphée, sinon peut-être cette indispensable « part
de
Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
351
ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part
de
l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
352
’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales
de
roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
353
s dans du cristal taillé, selon toutes les règles
de
l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
354
de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est
de
rose, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
355
ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler
de
lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
356
par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette
de
Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
357
sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie
de
l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rou
358
us n’en demandions pas tant… k. Rougemont Denis
de
, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
359
Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
360
que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin
de
la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
361
s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas
de
ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
362
out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée
de
la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
363
s soirs où une idée de la responsabilité s’empare
de
nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
364
s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit
de
déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
365
it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et
de
les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
366
trevue par chacun dans son for le plus intérieur,
d’
une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
367
e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais
d’
un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
368
assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant
d’
un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
369
oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui
d’
une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
370
le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
de
séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
371
eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés
d’
horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
372
’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour
d’
une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
373
ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée
d’
anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
374
dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
de
Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
375
matoma Cinq bellettriens furent commis au soin
d’
engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
376
dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour
d’
un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
377
rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et
de
la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
378
de ce paludesque et stérile consistoire, une idée
de
génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
379
s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
de
Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
380
par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue
de
Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
381
se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
de
la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
382
uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort
de
notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
383
partit pour la Riviera afin de négocier la vente
de
cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
384
revint juste à temps pour assister à la cérémonie
de
la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
385
assister à la cérémonie de la pose du point final
de
« Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
386
u point final de « Cinématoma ou les épanchements
de
la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
387
ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage
de
nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
388
ovie », parade « née du mariage de nos veilles et
de
nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
389
ue le disait si poétiquement le programme. Un peu
d’
histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
390
iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum
de
la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
391
ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique
de
Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
392
que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur
de
Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
393
ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul
de
se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
394
cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il
de
pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
395
dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et
d’
oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
396
-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite
de
Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
397
ncé, qu’on appelle, sans doute par antiphrase, la
vie
. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », R
398
ie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis
de
, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
399
. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
400
Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu
401
b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film
d’
avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
402
ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire,
de
René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
403
et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort
de
Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
404
Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs
d’
une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
405
re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe
de
province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
406
rine ; et une crise intérieure par un court accès
de
danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
407
une crise intérieure par un court accès de danse
de
Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
408
ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort
d’
Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
409
te bande est antérieure à l’époque du long baiser
de
conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
410
bien photographiée. C’est le film du type « Jeux
de
soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
411
ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir
de
voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
412
25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes
de
cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
413
inées dans le ciel où des pressentiments clignent
de
l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
414
sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse
d’
une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
415
Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu
d’
échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
416
, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche
d’
un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
417
hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel,
d’
où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
418
tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau
de
papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
419
t à descendre un petit bateau de papier, sur fond
de
boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
420
its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse
de
phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
421
nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares
d’
auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
422
. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux
de
la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
423
asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf
d’
où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
424
be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait
de
l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
425
apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième
de
seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
426
e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque
de
verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
427
ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement
de
la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
428
ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant
de
deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
429
le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie
de
leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
430
. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour
d’
une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
431
danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel
de
bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
432
, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois
de
la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
433
nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille
de
l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
434
e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque
de
la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
435
il roule dans les marguerites, il en sort un chef
d’
orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
436
e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons
d’
entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
437
eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce
de
trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
438
rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop
de
plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
439
’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes
de
poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
440
oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire
de
cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
441
là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher
d’
admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
442
er l’utilisation artistique ingénieuse et précise
de
certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
443
n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts
d’
Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
444
éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée
de
certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
445
oit nous « transplanter », un certain naturel est
de
rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
446
du véritable miracle auquel nous assistons. Mais
de
pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
447
auts sont presque inévitables dans une production
de
début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
448
dans une production de début, et Entr’acte mérite
d’
être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
449
aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste
de
l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
450
is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie
de
crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
451
ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop
de
gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
452
e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question
d’
épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
453
oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait
d’
un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
454
d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques
de
style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
455
e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films
de
René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
456
ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte
de
fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
457
cière transforme un homme en chien, cela n’a rien
d’
étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
458
rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie
d’
une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
459
que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle
de
ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
460
miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion
d’
une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
461
omme qui court au ralenti, certaines coïncidences
de
mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
462
des nées des nécessités sociales — nous empêchent
de
découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
463
ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme
d’
incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
464
le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question
d’
imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
465
faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
d’
illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
466
and nos regards plus assurés sauront enfin gagner
de
vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
467
s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre
d’
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rouge
468
d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage
d’
un ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte de René Clair, ou L’él
469
iques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis
de
, « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles
470
d’un ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
471
cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 124
472
je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée
de
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
473
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes
de
mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
474
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir
d’
une conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
475
bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut
de
l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
476
ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau
de
flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
477
ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui
de
ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
478
our le pittoresque. — Attrape ! Il n’existe pas
de
théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
479
des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards
de
cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
480
s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes
de
la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
481
eules vous nous appelez encore hors de cette voix
de
l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
482
lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes
de
nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
483
st un ricanement splendide comme un éclat de rire
de
condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
484
s palinodies, font encore rêver les anges écœurés
d’
azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
485
es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique,
d’
une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
486
diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat
de
l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie. On
487
ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
de
l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : « Des mots ! » au lieu
488
!, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas
de
meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
489
! » — avec une indignation où j’admire une pointe
d’
ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
490
érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe
d’
aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
491
la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre
de
ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
492
ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts
de
la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
493
désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût
de
s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
494
e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui
de
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
495
n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire
d’
Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
496
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat
de
sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
497
r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
d’
être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
498
es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue
de
tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
499
ux, quelques « goujateries » affectées par mépris
de
l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
500
eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot
de
Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
501
neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases
d’
un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
502
ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes
de
l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
503
les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches
de
craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
504
bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien
de
critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
505
Nous sommes ici en présence d’une des tentatives
de
libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
506
belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses,
de
bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
507
tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et
de
faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
508
tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens
de
l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
509
it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens
de
la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
510
Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme
de
l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
511
’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit
de
rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis : « N
512
Il s’agit de rendre impraticables quelques portes
de
sortie » ou compromis : « Nous étions dominés par le sens d’une réa
513
u compromis : « Nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
514
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
515
Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle
de
l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
516
aurions-nous accepté le sort communément heureux
de
nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
517
i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
de
rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? » Nous naisson
518
? » Nous naissons à quelque chose qui imite la
vie
dans une époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous
519
à quelque chose qui imite la vie dans une époque
d’
inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
520
omissions où triomphe sous tous les déguisements,
de
Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
521
pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation
d’
une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
522
s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu
d’
expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
523
il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute
de
l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
524
pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café
de
Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
525
. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien
de
rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
526
vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens
d’
entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
527
, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix
d’
un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
528
ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer
de
dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
529
es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant
de
m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
530
« Si j’essaie un instant de m’élever à la notion
de
Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
531
je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
d’
argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
532
. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales
d’
extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
533
fait oublier certaines morales d’extrême moyenne
d’
où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
534
enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit
de
fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
535
tout sur une révélation possible, ou la naissance
d’
un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
536
: pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr
de
n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
537
s gestes encore, interceptant les messages égarés
de
l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
538
ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir
de
colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
539
selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu
d’
une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
540
tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part
de
littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
541
qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes
de
l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
542
duction ». Pour un peu, je découvrais une manière
de
prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
543
orie du scandale pour le scandale qui a le mérite
de
n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
544
osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu
de
quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
545
. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire
de
son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
546
on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte
de
donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
547
emier à s’amuser ? Février 1927. Relu Une vague
de
rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
548
vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface
de
Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
549
me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher
de
reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
550
ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète
de
notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
551
êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal
de
vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
552
de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens
d’
une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
553
sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase
de
Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
554
laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs
de
manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
555
esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
de
littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
556
le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon
de
parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
557
entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe
d’
attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
558
ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini
de
chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
559
as mérité du premier coup qu’on se donne la peine
de
l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
560
ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont
de
récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
561
t « bien Parisien » dont de récentes statistiques
de
librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
562
enu qu’une introspection immobile ne retient rien
de
la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
563
nie à des incrédules le droit à parler des choses
de
la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
564
e droit à parler des choses de la foi comme étant
d’
un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
565
nt on voudrait que soient justiciables les œuvres
d’
un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
566
ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches
de
sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
567
s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme
d’
une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
568
me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé
de
l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
569
e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
de
sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
570
s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes —
de
novembre 1926. 2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
571
gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a
de
profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
572
loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi
de
me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
573
dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être
de
quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
574
es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop
d’
êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
575
, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et
de
choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
576
ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent
de
votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
577
nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen
de
causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
578
Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité
de
métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
579
itique, un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma
vie
? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’at
580
ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant
de
derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
581
t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine
de
telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
582
opposent à ces « délires » les thèses rassurantes
de
la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
583
Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers
de
la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
584
gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
de
la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
585
comme promenoir, avec défense sous peine de mort
de
s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
586
tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche,
d’
humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
587
« À bas le clair génie français. » Alors la voix
de
Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
588
s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives
de
ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
589
significatives de ce siècle sont écrites en haine
de
l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
590
sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche
d’
obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
591
la littérature moderne n’est qu’une manifestation
de
ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
592
ical entre l’époque et les quelques centaines (?)
d’
individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
593
pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept
de
l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
594
ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui
de
Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
595
e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface
de
Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
596
rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas
de
refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
597
tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques
d’
extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
598
e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
de
crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
599
, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes
de
Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
600
. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer
de
cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
601
ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu
de
vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
602
ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis
de
discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
603
ennemis de discuter avec eux dans leur langue et
de
crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
604
cet esprit « bien français » qui s’associe à tant
d’
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
605
t « bien français » qui s’associe à tant d’objets
de
votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
606
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied
de
tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
607
tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement
de
dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
608
Breton et leurs amis alternativement de dévoyés,
de
farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
609
urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs,
de
chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
610
ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals,
de
déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
611
es « maudits » ont la grâce, parce qu’ils sont la
vie
, même quand ils appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’i
612
qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret
de
l’invention. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
613
de l’invention. Il nous faut des entrepreneurs
de
tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
614
des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe
de
violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
615
s. … et nous portant dans nos actions à la limite
de
nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
616
ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher
de
vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
617
re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre,
de
rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
618
ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et
de
souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
619
lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets
d’
optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
620
ranniques évidences, ordre et désordre, principes
de
Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
621
principes de Descartes, mathématiques aux pinces
de
crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus
622
artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens
de
conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
623
eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine
de
certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
624
Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas
de
ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
625
ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin
de
révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
626
re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
de
magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
627
nous connaissions dans les coins et nous mourions
d’
ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
628
s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus
de
nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
629
ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits
de
nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
630
esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution
de
toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
631
révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que
de
vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
632
les brancards, c’est très bellettrien. Un disque
de
gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
633
es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires
de
copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
634
u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous
de
nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
635
mace. Il y a encore des gens pour qui les limites
de
l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
636
ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre
de
tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
637
finalement nous écraser par l’évidence définitive
de
notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
638
fait une vérité changeante et toujours évidente,
de
laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
639
contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience
de
ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
640
st plus combattre, c’est l’épanouissement violent
d’
une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
641
violent d’une immense fleur palpitante au parfum
de
passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
642
m de passions, c’est une atmosphère toute chargée
d’
éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
643
ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement
d’
aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
644
cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes
de
folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
645
revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et
de
joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
646
pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage
de
tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
647
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles
d’
amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
648
es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs
de
passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
649
s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes
de
l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
650
us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague
de
rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
651
surtout pour un homme qui élit Freud « président
de
la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
652
République du Rêve » – c’est presque un non-sens
de
chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
653
ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que
de
brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
654
s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset
de
La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
655
11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma
vie
et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière
656
s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre
de
Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
657
, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
de
Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », R
658
me. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis
de
, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausann
659
nis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 13
660
il 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie
de
l’original, sans doute voulue par l’auteur.
661
e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques
d’
une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
662
s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale
de
mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
663
ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait
d’
une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
664
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison
de
marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
665
de mes songes. On exigeait d’une saison de marque
de
tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
666
eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel
de
névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
667
e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu
d’
un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
668
la suivait entre les devantures qui se passaient
de
l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
669
s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries
de
profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
670
e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours
de
face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
671
ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs
d’
un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
672
. Elle découvre en passant près de lui le sourire
d’
amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
673
en passant près de lui le sourire d’amitié mortel
de
tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
674
ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange,
de
ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
675
la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon
de
la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
676
on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit
d’
un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
677
uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup
de
revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
678
Mais tu es si laid que cela me donne encore plus
de
plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
679
Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe
de
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
680
des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide
de
la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
681
issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs
de
son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
682
esses des flocons, plus perfides que des murmures
d’
adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
683
rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur
de
l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
684
s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia
de
tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
685
t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question
d’
amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
686
que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme
de
l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
687
de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à
de
certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
688
s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit
de
ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de, « Quatre
689
rases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis
de
, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
690
Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 15
691
nsieur…, la jeunesse est l’âge où l’on atteint la
vie
. On s’y maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adi
692
, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple,
d’
étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
693
n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais
de
peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
694
Mes parents me savaient vierge et c’était la joie
de
leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
695
nts me savaient vierge et c’était la joie de leur
vie
, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais.
696
. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux
de
cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
697
e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme,
de
peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
698
te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis
de
bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
699
m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et
d’
insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
700
jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur
de
la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
701
soir, mon père savait tout. Il effleura mon front
de
ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
702
lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait
d’
autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
703
maintenant. » Je songeais justement à un sourire
de
mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
704
it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara
de
mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
705
e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot
d’
adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
706
la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse
d’
une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
707
direction quelconque. Il advint que ce fut celle
de
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
708
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus
d’
articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
709
re, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la
mode
et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcouran
710
divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien
de
mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
711
m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès
de
mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
712
n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée
d’
un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
713
augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir
de
chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
714
hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux
d’
où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
715
ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées
de
musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
716
x tangos, nous montions ensemble dans une chambre
d’
hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
717
uet transfiguré par la lumière et que reflétaient
de
nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
718
une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
de
grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
719
ses autos rouges, tout un couchant de grand port
de
la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
720
s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air
de
la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
721
e la dernière danse, mais nous avions aussi envie
de
pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
722
soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
de
bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
723
son sac à main : c’était assez pour me permettre
d’
entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
724
s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état
de
sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
725
moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide
de
l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
726
e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé
de
prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
727
— région où l’on est forcé de prendre conscience
de
soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
728
ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années
de
joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
729
’avait-on pas dérobé des années de joie au profit
d’
une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
730
bscurément. Je sentais bien que le ressort secret
de
la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
731
unisme social, résultante des paresses accumulées
de
tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
732
umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables
de
concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
733
escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol
de
quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
734
us la victime, ce vol de quelques joies parfaites
de
ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
735
trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités
de
ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
736
omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée
d’
ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
737
’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie,
de
mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
738
ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes
de
la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
739
mes de la société. » C’est avec le produit du vol
d’
un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
740
ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc
de
chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
741
uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire
de
l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
742
t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il,
de
la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
743
e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique
de
ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
744
fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma
vie
de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mo
745
s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie
de
rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
746
, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat
d’
hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
747
t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et
de
sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
748
jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum
d’
adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
749
ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse,
de
découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
750
us un jour assez particulier, très souvent ignoré
d’
elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
751
pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût
de
la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
752
et des plus généralement répandus, j’ai vite fait
de
classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
753
ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais
de
succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
754
psychologique n’est pas mon fort. Je me contente
de
quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
755
les manifestations vivantes avec une prodigalité
d’
épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
756
es et enjolivures où je vois le véritable intérêt
de
ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
757
enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma
vie
. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissa
758
e. C’est vous dire que seule une certaine caresse
de
l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
759
naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir
de
chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
760
j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier
de
vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
761
ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait
de
cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
762
but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées
d’
eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
763
us générale et la moins compromettante, sur cette
vie
dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «
764
ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que
de
l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
765
lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est
de
mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
766
vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté
de
votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
767
itique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre
vie
. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un di
768
paraît comme un divertissement perpétuel et dénué
d’
inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
769
couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu
d’
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
770
’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur
de
l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
771
pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle
de
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
772
donnez la lourdeur de l’expression — une règle de
vie
. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre condui
773
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient
de
tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
774
s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer
de
votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
775
ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère
de
, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
776
liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…,
de
juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
777
ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit
de
quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
778
L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une
de
ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
779
ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces
d’
étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
780
’étudiants qui ne sont que la traduction en actes
de
jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
781
ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux
de
mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
782
t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet
d’
une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
783
t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir
d’
avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
784
bien que vous ce que mes principes peuvent avoir
de
« bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
785
ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune »,
de
banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
786
oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis,
d’
agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
787
quiconque est aussi profondément persuadé que moi
de
l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
788
ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale
de
notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
789
persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre
vie
, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre « révolté »
790
onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur
de
raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
791
re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines
de
mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
792
......................... ⁂ s. Rougemont Denis
de
, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausann
793
nis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-
794
nève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note
de
bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
795
ction rappelle que les idées émises dans la Revue
de
Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
796
aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude
de
boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
797
ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et
de
fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
798
excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris
de
la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
799
e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive
de
l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
800
éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et
de
la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
801
ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin
de
tous les principes qui sont à la base de la société même. » Ceci es
802
is enfin de tous les principes qui sont à la base
de
la société même. » Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
803
t à la base de la société même. » Ceci est tiré
d’
un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
804
loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
de
1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
805
M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal
de
Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
806
ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
de
200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
807
e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres
de
plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
808
ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris
de
leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
809
bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal
de
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
810
tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée
d’
un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
811
it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi”
de
Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
812
tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux
de
notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
813
lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût
de
l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
814
ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique
de
tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
815
e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en
de
ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
816
re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe
de
la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
817
mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait
de
la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
818
; ce fait de la révolution russe… cet autre fait
de
la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
819
it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout
de
la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
820
s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z.,
de
ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
821
tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin
de
rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
822
n, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis
de
, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
823
emont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 186-
824
La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pro
825
I Parler littérature Si je prononce le nom
de
tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
826
arler littérature Si je prononce le nom de tel
de
vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
827
lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres
de
votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
828
uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison
de
naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
829
nourriture une saison de naguère, voilà le rictus
de
votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
830
uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure
de
pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
831
de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites
de
ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
832
dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites
de
ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
833
tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites
d’
un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
834
d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est
de
la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
835
usé : — Vous l’abandonnez ? Pour quoi ? — Pour la
vie
! Or je pense, à part moi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchi
836
in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse
d’
une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
837
voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein
de
mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
838
is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme
de
ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
839
d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation
de
Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
840
ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot
de
Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
841
mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation
de
Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
842
une citation de Valéry, cette œillade se souvient
d’
un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
843
on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers
d’
Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
844
14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut
de
l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
845
ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir
de
son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
846
rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir
d’
être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
847
qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin
de
l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
848
les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule
de
bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
849
en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons
de
votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
850
raient-ce les guillemets qui vous choquent ? La
vie
! — proclamiez-vous… Soit. Mais maintenant je vais me fâcher chaque f
851
», « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est
de
la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
852
ment gratuit ». C’est de la littérature. À force
d’
avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
853
ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui
de
la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
854
implicité est simple simplement. La bouche brûlée
d’
alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
855
votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez
d’
un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
856
pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez
de
compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
857
en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité
de
la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
858
s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez,
d’
une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
859
pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus
de
limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
860
ahi par des démons que vous prétendez m’interdire
de
nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
861
ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté
de
ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
862
du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres
de
livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
863
a jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma
vie
est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de
864
lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps
de
sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
865
addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir
de
ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
866
vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et
de
ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
867
s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres
de
vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
868
e sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de
vie
, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’i
869
ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie
vie
ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littéra
870
le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance
de
la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
871
arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont
de
sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
872
a des mépris qui sont de sournoises déclarations
d’
amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
873
es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée
de
la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
874
e fait une très haute idée de la religion. Ainsi,
de
la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
875
s pour ses réalisations actuelles donne la mesure
de
ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
876
actuelles donne la mesure de ce que vous attendez
d’
elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
877
de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond
de
ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
878
e. Que la littérature nous est un moyen seulement
d’
atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
879
rature nous est un moyen seulement d’atteindre et
de
préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
880
oses dures, amères comme un destin, comme le goût
d’
une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
881
que tout se fond catastrophiquement dans l’infini
de
la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
882
ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien
de
ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
883
la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen
de
connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
884
ble : cela consisterait dans l’expression directe
de
la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
885
ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile
de
la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
886
s obscurs des allusions furtives à certains états
de
la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
887
e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites
d’
une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
888
à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou
d’
une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
889
que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir
de
signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
890
avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine
de
cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
891
chez en liberté, par haine de cette esthétique ou
de
ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
892
oilà qu’ils perdent même la problématique utilité
de
liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
893
qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien
de
ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
894
. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a
d’
importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
895
primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons
de
nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
896
vent. La littérature, considérée du point de vue
de
la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
897
ure, considérée du point de vue de la psychologie
de
l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
898
u anormal, que l’on satisfait dans certains états
de
crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
899
t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement,
de
quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
900
t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu
d’
une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
901
eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction
de
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
902
qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas
de
la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
903
ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit
de
l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
904
êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet
de
conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
905
sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est
d’
un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
906
dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que
d’
y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
907
lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité
de
la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
908
araît être le moins « littératuré » des écrivains
d’
aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
909
. Quand il parle littérature, il a toujours l’air
de
mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
910
rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat,
de
dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
911
de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire
de
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
912
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu
de
passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
913
convenu de passer sous silence. C’est assez drôle
de
voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
914
miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume
d’
aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
915
se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot
de
passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
916
n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe
de
la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
917
ume d’aborder sans le mot de passe de la dernière
mode
ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entr
918
order sans le mot de passe de la dernière mode ou
de
savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
919
t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande
de
gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
920
illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos
de
la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
921
de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre
de
ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
922
ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16.
De
tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
923
plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte
de
la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
924
es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête
de
l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
925
les mépris, les haines douloureuses ou grossières
de
tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
926
s instables certitudes, et qui nous font un péché
de
notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
927
e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus
d’
autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
928
re excuse que celle-là, la littérature mériterait
d’
exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
929
erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré
de
notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
930
le soit le langage chiffré de notre inquiétude et
de
nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
931
udes, le seul langage peut-être qui nous permette
d’
échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
932
eut-être qui nous permette d’échanger les signaux
de
l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
933
Voici donc les seules révélations que j’attende
de
la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
934
que celle des autres m’aide à prendre conscience
de
moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
935
ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus
de
mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
936
tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni
d’
adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
937
e » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma
vie
. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus
938
ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps
de
songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
939
ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends
de
ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
940
us me demanderez « alors » ce que j’attends de ma
vie
. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soup
941
ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté
de
vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
942
) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend
de
vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
943
istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop
de
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
944
y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur
d’
Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
945
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et
de
Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
946
itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman
de
M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
947
de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement
de
nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
948
), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes
de
lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
949
s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry,
de
l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
950
! [NdE] Le texte publié place également un appel
de
note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
951
après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit
d’
une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
952
e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou
d’
une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
953
n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté
de
l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
954
lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances
d’
action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
955
ction. 16. J’en vois certains qui arrangent leur
vie
de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes »
956
n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie
de
telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
957
bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches
de
Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
958
’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis
de
, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue d
959
Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
960
Lettres sur le mépris de la littérature », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
961
Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue
de
Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
962
vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue
de
langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
963
rité librement et pour elle-même. Nous regrettons
de
n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
964
r citer, faute de place, que ces quelques phrases
de
Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
965
voit déjà éclater dans les singuliers mouvements
de
sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
966
ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune
de
l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
967
fraternité qui existe, en dépit des protestations
de
haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
968
épit des protestations de haine, entre les athées
de
l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
969
les athées du Capitalisme quand il est conscient
de
soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
970
mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement
d’
un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
971
moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée
de
tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
972
lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours
de
l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
973
Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux
de
l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
974
ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et
de
l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
975
Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas
d’
autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de
976
20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis
de
, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
977
Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
978
juillet 1927)x Nous passons la main au central
de
Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
979
gnation provoquée sur tous les bancs par certains
de
nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
980
taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc
de
considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu. On
981
dérer la situation sans fièvre, sans lamentations
d’
adieu. On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
982
lamentations d’adieu. On nous a parfois traités
de
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
983
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge
de
nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
984
’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné
de
nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
985
st beaucoup étonné de nous voir « si différents »
de
nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
986
rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
de
trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
987
x mots sur la paradoxale situation intellectuelle
d’
une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
988
a paradoxale situation intellectuelle d’une revue
d’
étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
989
lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre.
D’
un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
990
i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas
de
votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
991
nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ;
de
l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
992
s vous souciez vraiment trop peu des conséquences
de
ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
993
En définitive, il semble que certains n’attendent
de
nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
994
e, il semble que certains n’attendent de nous que
d’
innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
995
tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien
de
ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
996
tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper
de
prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
997
ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue
d’
avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
998
s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords
d’
avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
999
’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie
de
lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
1000
ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus
d’
avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
1001
ir et pour en accepter les conséquences. Et puis,
de
temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
1002
e temps à autre, voici que nous parvient un signe
d’
amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
1003
mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer
d’
autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
1004
l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent
de
tout le reste. Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
1005
écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune
de
ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
1006
re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie
d’
un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
1007
ument imprévisible. Que nous apportera le Central
de
Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
1008
s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central
de
Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
1009
fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi
de
la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
1010
au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur
de
ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
1011
ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids
de
nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
1012
ah ! comme nous y tenons ! x. Rougemont Denis
de
, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
1013
Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
1014
s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence
de
Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
1015
des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est
de
l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
1016
poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis
de
sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
1017
entiellement une mystique. Mais parce que je suis
de
sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
1018
eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin
de
formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
1019
que pour mourir ou pour entrer en religion : rond
de
cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
1020
on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large
de
ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
1021
triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas
de
pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
1022
e monde moderne ont encore une « essence ». Celle
de
Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
1023
t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou
de
blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
1024
elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point
de
se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
1025
et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
de
, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettr
1026
elles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929, p.
1027
Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
1028
le de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier
de
la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
1029
s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier
d’
une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
1030
on morte au tombeau des fleurs obscures les mains
de
l’absence se ferment sur le vide Tu pleurerais Mais la grâce est f
1031
leurerais Mais la grâce est facile comme un matin
d’
été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
1032
comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée
de
ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent…
1033
un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta
vie
comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent… Ailleur
1034
d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme
de
cette nuit le jour d’un grand été qui consent… Ailleurs Colo
1035
ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
d’
un grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
1036
ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains
de
mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
1037
es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que
d’
aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
1038
ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes
de
mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
1039
res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile
de
jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
1040
rient c’est la caresse des anges parmi les formes
de
l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
1041
e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable
de
savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
1042
le sourire adorable de savoir la dansante liberté
d’
un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
1043
issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi
d’
un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
1044
eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir
d’
une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
1045
lence c’est le miroir d’une absence mais le signe
de
sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
1046
œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage
d’
un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoil
1047
e gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis
de
, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausa
1048
. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
1049
s de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 168
1050
Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand ave
1051
Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin
1052
peut se permettre quelques malices, quelques jeux
d’
esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
1053
ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou
de
méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
1054
t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais
d’
être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
1055
par la clientèle des librairies romandes, en mal
de
cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
1056
entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux
de
Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
1057
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou
de
première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
1058
ou de première communion. Parmi les compatriotes
d’
Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
1059
ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle
de
« ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
1060
vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance
de
discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
1061
lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse
de
ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
1062
esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble
de
l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
1063
onomie bourgeoise que cette administration exacte
d’
un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
1064
istration exacte d’un petit capital. Le contraire
de
la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
1065
souvent à ces récits : ce n’est point un paysage
d’
âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
1066
ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque
de
chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
1067
élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et
de
rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
1068
’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que
de
petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa.
1069
on ne se nourrissait vraiment que de petits mots
d’
esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Deni
1070
urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et
de
malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de, « [Com
1071
Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
1072
is de, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1073
pte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
1074
det, Souvenirs d’enfance et de jeunesse », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p. 19
1075
Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire
d’
ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
1076
le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela
d’
un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
1077
euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère,
d’
un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
1078
iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant
d’
air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
1079
ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit
de
le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
1080
inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple
de
Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
1081
vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids
de
cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
1082
t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita
de
son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
1083
Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur
d’
une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
1084
le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements
de
rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
1085
ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus
de
morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
1086
plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon
de
trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
1087
nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion
de
reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
1088
dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous
de
leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
1089
Comme le poète terminait sa théorie sur la nature
de
l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
1090
ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant
de
là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
1091
rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine
de
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
1092
t de là, dans une crèmerie pleine de couples à la
mode
. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. A
1093
Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention
de
la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
1094
usable de la part d’un poète en état, sans doute,
d’
inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
1095
veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration
d’
amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
1096
tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite
de
malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
1097
ffet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis
de
, « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-L
1098
re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929, p.
1099
ub (mai 1930)ac Aux Albert Béguin en souvenir
de
l’ombrelle rouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être
1100
Aux Albert Béguin en souvenir de l’ombrelle rouge
de
Versailles. Paris la nuit oublie parfois d’être spirituelle, devient
1101
ouge de Versailles. Paris la nuit oublie parfois
d’
être spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. L’Al
1102
Députés, je n’en veux pas démordre, et la Légion
d’
honneur — je vous la laisse, la Légion d’honneur. Quand vous prenez un
1103
a Légion d’honneur — je vous la laisse, la Légion
d’
honneur. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est double tar
1104
: à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme,
d’
office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sach
1105
bien vite connaissance, pourvu qu’on sache un peu
d’
allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens
1106
comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme
de
l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons
1107
l’autre qu’aux traductions ; le reste, les livres
de
M. Maurois par exemple, publiés par la Revue de Belles-Lettres …………1
1108
de M. Maurois par exemple, publiés par la Revue
de
Belles-Lettres …………18 La plupart des noctambules préfèrent d’aller à
1109
tres …………18 La plupart des noctambules préfèrent
d’
aller à pied ; mais moi je me méfie ; se promener seul la nuit dans un
1110
ille étrangère, n’est-ce point la définition même
de
la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures p
1111
ns une sentimentalité exquise, navrante. Il reste
de
s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une
1112
avrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse
de
café pour y boire à petits coups une amertume acide et tiède comme l’
1113
acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir
de
nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lie
1114
t tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit
d’
été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’a
1115
lleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu
de
l’avouer : je ne saurais entretenir que mes rapports de politesse dis
1116
vouer : je ne saurais entretenir que mes rapports
de
politesse distante avec les personnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une f
1117
sonnes qui ont dit, ne fût-ce qu’une fois en leur
vie
: « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, «
1118
e fût-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur
de
la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme
1119
pas ma patrie. Ce soir-là, le fantôme ayant envie
de
manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’un ogre. C’est tout prè
1120
ie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse
d’
un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très
1121
re. Déjà nous traversons la nuit rose et violette
de
Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une m
1122
violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie
d’
un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terra
1123
nous immobilise une minute aux lisières odorantes
d’
une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un
1124
en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin
de
table, l’arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements Place
1125
Mongols dans Paris et leurs établissements Place
de
la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plu
1126
ents Place de la Concorde. Notre conteur est vêtu
de
la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il po
1127
la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire
d’
un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore
1128
l est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant
d’
un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion
1129
crains que la notion n’en soit toute relative aux
modes
de « vie » bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même l
1130
que la notion n’en soit toute relative aux modes
de
« vie » bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la t
1131
la notion n’en soit toute relative aux modes de «
vie
» bourgeois ; et puis la, comédie n’est pas mon fort, même la triste.
1132
u jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance
d’
un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…) De
1133
l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (
d’
heure en heure ces yeux plus vivants…) De là, je le suppose, une certa
1134
mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…)
De
là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres cha
1135
es êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps
de
me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sai
1136
e, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou
de
les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain q
1137
les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas
de
commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette
1138
orsque l’homme, cédant à l’évidence des choses ou
de
l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. (Je
1139
e à la boussole autant qu’au sens moral.) Le goût
de
se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je
1140
ût de se perdre est un des plus profonds mystères
de
notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origi
1141
notre condition, et je ne crois pas trop absurde
d’
y chercher l’origine non seulement des passions amoureuses, mais de la
1142
igine non seulement des passions amoureuses, mais
de
la plupart des entreprises démesurées qu’enregistre l’Histoire, scien
1143
esurées qu’enregistre l’Histoire, science chargée
d’
illustrer à ses propres yeux l’Humanité. En passant, relevons un soph
1144
’Humanité. En passant, relevons un sophisme à la
mode
, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se
1145
à la mode, qui vient trébucher dans les méandres
de
notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne
1146
le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes
de
son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher
1147
e à la souris qu’un chat subtil et ironique feint
de
lâcher pour mieux croquer. Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pen
1148
urs les moins préméditées, c’est sans doute celui
d’
être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir da
1149
lui d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste
de
l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double
1150
le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre
d’
hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la fave
1151
double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur
de
mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent
1152
ient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir
d’
aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux domi
1153
se produire : des aboiements fous et une effusion
de
lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti ce qu
1154
Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style
d’
un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Si
1155
re, du style d’un rôti, et en cuisine littéraire,
de
pensers mis à toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte de cé
1156
toutes sauces. Si M. Thibaudet connaissait l’hôte
de
céans, il proposerait cette formule du plat idéal : Du Bos en sauce M
1157
: Du Bos en sauce Marthaler. Mais ne parlons pas
de
mangeaille : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de
1158
st tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis
de
ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on
1159
étentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire
d’
histoires. Je remarque simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler
1160
us vulgaires, libérant par là cette part gratuite
de
nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux pré
1161
t gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter
de
poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’est imposs
1162
ux préside à cette agape dont il m’est impossible
de
nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cela pour différe
1163
e Miomandre n’est pas là. Il a téléphoné au début
de
l’après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle
1164
puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille
de
neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais
1165
a Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre
de
tendresse au premier regard. Mais non, trop bien élevée, elle se ress
1166
le se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt
de
la consistance, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’adorab
1167
nce, et dans son trouble apparaît toute parcourue
d’
adorables roseurs boréales. Hoffmann n’est pas là, mais bien Dollonne,
1168
. Enfin, Jean Cassou, représentant Mgr le marquis
de
Carabas, absent de Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égar
1169
u, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent
de
Paris, est là. Si vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin d’
1170
vous enlevez Georges Petit, égaré, en ayant soin
d’
ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des partic
1171
culez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va
de
son petit miracle. Jaloux et Dick conversent en danois. Quatre ancien
1172
t. À ce moment apparaît Charles Du Bos, en kimono
de
soie « capstan ». Il ouvre une de ces parenthèses dont il a le secret
1173
Bos, en kimono de soie « capstan ». Il ouvre une
de
ces parenthèses dont il a le secret, et dans laquelle la rédaction s’
1174
secret, et dans laquelle la rédaction s’empresse
de
faire rentrer la partie la plus incongrue de cette chronique. Enfin,
1175
esse de faire rentrer la partie la plus incongrue
de
cette chronique. Enfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui e
1176
e, et se mit à errer dans les campagnes, en quête
de
l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les trei
1177
a plusieurs semaines, au terme desquelles, épuisé
de
corps et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva a
1178
semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et
d’
âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de
1179
seule note, il se retrouva aux portes de Naples,
d’
où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y péné
1180
aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force
de
regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçut auprès du
1181
ter, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs
de
la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la
1182
mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a
de
la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retr
1183
l l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique,
de
l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes
1184
e la musique, de l’Italie et une certaine qualité
de
désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les v
1185
aine qualité de désespoir, je retrouve les contes
d’
Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler vous voye
1186
je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit
de
les vivre plutôt que d’en parler vous voyez bien que j’ai quitté cett
1187
’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que
d’
en parler vous voyez bien que j’ai quitté cette table écroulée, dans l
1188
uillard qui cachait le front des palais, une nuit
d’
hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’
1189
s, comme tu les aimes — on n’a pas toujours envie
de
crâner. L’esplanade d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir
1190
on n’a pas toujours envie de crâner. L’esplanade
d’
une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans le
1191
s envie de crâner. L’esplanade d’une petite ville
de
l’Allemagne du Sud, un soir de mai. Il y a dans les marronniers noirs
1192
d’une petite ville de l’Allemagne du Sud, un soir
de
mai. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des touffes de
1193
les marronniers noirs des lampions et des touffes
de
gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’u
1194
dent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur
d’
une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe
1195
uche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte
de
toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est d’un bleu s
1196
érieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant
d’
un petit théâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu d’Aldébara
1197
endues au-devant d’un petit théâtre. La rampe est
d’
un bleu stellaire, un bleu d’Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, d
1198
héâtre. La rampe est d’un bleu stellaire, un bleu
d’
Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prolo
1199
arton des armures sonne sourdement sous les coups
d’
un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa lar
1200
e avec sa large face mangée par une barbe en crin
de
cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, ta
1201
du diable. L’héroïne est belle comme une ballade
de
Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison pat
1202
omme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose
de
ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin
1203
ger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil
de
la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le
1204
ant un clin d’œil assassin vers le parterre agité
de
passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysan
1205
ontradictoires. Durant les entractes, une fanfare
de
paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les
1206
Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu
de
roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlé
1207
es fêlées et l’accompagnement dans les feuillages
de
voix fausses mais aériennes, des chansons populaires qui sont ce que
1208
nuit est chaude sur les collines. Un grand verre
de
bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La peti
1209
dans la mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste
de
la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe
1210
a mansarde, et qui n’a pas peur… ⁂ Le reste de la
vie
, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. Cela se passe actuell
1211
este de la vie, c’est toujours entre deux voyages
d’
Allemagne. Cela se passe actuellement dans un hôtel tragi-comique en c
1212
en cinq étages et un prologue ou vestibule, plein
de
bruits de lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris
1213
ages et un prologue ou vestibule, plein de bruits
de
lavabos et de coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt…
1214
logue ou vestibule, plein de bruits de lavabos et
de
coups de cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est
1215
vestibule, plein de bruits de lavabos et de coups
de
cloche débile au corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps de
1216
corridor, — à Paris. Bientôt… Mais il est temps
de
mettre à ces fariboles un terme19. J’ai du solide à équarrir. Et aupa
1217
la R.) 19. L’auteur nous promet pour le numéro 6
de
nouveaux détails apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis de,
1218
apocryphes. (N. de la R.) ac. Rougemont Denis
de
, « Les soirées du Brambilla-club », Revue de Belles-Lettres, Lausanne
1219
enis de, « Les soirées du Brambilla-club », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1930, p. 160-
1220
Le Grand Testament
de
Villon, illustré par Marcel North (juin 1930)ad Marcel North a tro
1221
qui ne ressemble qu’à sa fantaisie : la précision
de
son trait cerne une poésie ingénue, à la fois drue et délicate comme
1222
aiment « naïf ». La fleur qui croît en plein cœur
de
celui qui est mort d’amour, une âme qui s’envole par la bouche, des f
1223
eur qui croît en plein cœur de celui qui est mort
d’
amour, une âme qui s’envole par la bouche, des formes aériennes qui vo
1224
si naturelle qu’on ne peut s’y tromper : la grâce
de
l’enfance anime encore cette imagination, guide encore cette main déj
1225
e. Ce que j’aime ici, c’est un ravissant concours
d’
ingénuité et d’observation ironique, et cette netteté que les primitif
1226
e ici, c’est un ravissant concours d’ingénuité et
d’
observation ironique, et cette netteté que les primitifs savent allier
1227
ns ces compositions parmi les allégories barbares
d’
un ciel bon enfant, et dans ce truculent petit monde, Marcel North et
1228
larrons en foire. Certes, l’amertume douloureuse
de
Villon se mue souvent dans la traduction de North en acidité légère d
1229
reuse de Villon se mue souvent dans la traduction
de
North en acidité légère de fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces
1230
ent dans la traduction de North en acidité légère
de
fruit vert, mais on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont d’un
1231
s on n’ose reprocher à ces images ce qu’elles ont
d’
un peu grêle : leur jeunesse… Et si la composition s’amuse parfois à b
1232
à côté de parfaites réussites — , voici, partout
d’
adorables inventions de détails qui se cachent dans les coins, bonshom
1233
ussites — , voici, partout d’adorables inventions
de
détails qui se cachent dans les coins, bonshommes, fleurettes drôles,
1234
t ce violoneux qui tire son archet sur des rayons
de
soleil… Bravo, Marcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis de,
1235
arcel, v’là le printemps ! ad. Rougemont Denis
de
, « Le Grand Testament de Villon, illustré par Marcel North », Revue
1236
ad. Rougemont Denis de, « Le Grand Testament
de
Villon, illustré par Marcel North », Revue de Belles-Lettres, Lausann
1237
ent de Villon, illustré par Marcel North », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juin 1930, p. 204
1238
mes soient coquettes à les faire doucement frémir
de
rage ; ils aiment s’obstiner et c’est pourquoi nous aimons leur échap
1239
tes bien injuste avec moi quand vous me reprochez
d’
être méchante : je suis à peine coquette, et vous savez que c’est un p
1240
sont pas pour les oreilles, mais pour les lèvres
de
ceux qui vous aiment. Car elles sont insensées, mais comme des baiser
1241
ent à peu près à ceci : Êtes-vous un être capable
d’
aimer, ou seulement une apparence adorable ? Et voici cette question :
1242
éférez l’un à l’autre ? Sonnette. — Petite leçon
de
météorologie sentimentale. Comme vous êtes un profond pédant, dans ci
1243
vous admettez que « beau » temps est le contraire
de
« mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce que doit être le
1244
de la souffrance, et même qu’il est le contraire
de
la souffrance. C’est pourquoi vos rêves composent toujours le même pa
1245
quoi vos rêves composent toujours le même paysage
de
carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de
1246
ge de carte postale en couleurs, idéal inévitable
de
ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bie
1247
couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas
de
point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi bien, Sonnette : Vos acti
1248
te : Vos actions et vos pensées, votre conception
de
l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non
1249
(Un silence.) Sans doute, Sonnette, portez-vous
de
ces courtes bottes vernies, quand il pleut ? Sonnette. — Quand j’éta
1250
s jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine
de
sales limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaie
1251
a pluie. L’herbe était pleine de sales limaces et
de
petits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût
1252
t un délicieux goût fade. Je rentrais toute fière
de
mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand on me fai
1253
ens sont toujours religieux, alors que les femmes
de
ce temps sont seulement sournoises. Sonnette. — Lord Artur, vous m’a
1254
re jaloux ce soir. Quand vous cédez à votre manie
de
remuer des métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par
1255
Je regrette profondément que vous n’ayez pas plus
de
sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez c
1256
votre « bonheur » rien de plus que l’un des noms
de
sa présence. Mais un jour la lumière est morte autour de nous, elle e
1257
e à la surface des choses pour renaître au centre
de
l’homme. Et, dès lors, de tous les événements qui paraissent autour d
1258
pour renaître au centre de l’homme. Et, dès lors,
de
tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, s
1259
lui qui dans le même temps se passe à l’intérieur
d’
un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chem
1260
e chemin qui va du signe à l’être. Longues pluies
de
printemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau
1261
recueillie, tempêtes sur les pentes, — beau temps
de
la présence. Car tu sais pour quel « bien » désiré tu les aimes ; mai
1262
» désiré tu les aimes ; mais tu sais qu’au soleil
de
l’aube aussi d’autres fois tu l’as possédé. Tu comprends maintenant q
1263
se situe leur lieu, établis en ce lieu la demeure
de
tes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’Argo
1264
Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant
d’
Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’
1265
habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens
de
l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverai
1266
débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit
d’
aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, i
1267
isane qui pleurait ; et en ce lieu bâtit la ville
de
Crotone. Sonnette. — J’aime vos histoires, Lord Artur. (Un temps.)
1268
i me réchauffe. Parce qu’elle se tient là « vêtue
de
son péché », — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite f
1269
es qu’une petite fille.20 20. [Note à l’achevé
d’
imprimé :] « Relativement à « La pluie et le beau temps » de Salomon d
1270
:] « Relativement à « La pluie et le beau temps »
de
Salomon de Crac, tous droits demeurent réservés par Denis de Rougemon
1271
urent réservés par Denis de Rougemont, à la suite
d’
une entente formelle avec les héritiers du baron de Crac, représentés
1272
ris), fin septembre 1931. » ae. Rougemont Denis
de
, « La pluie et le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue de Bel
1273
t le beau temps (Dialogue dans une tête) », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932, p. 56-59.
1274
nelles (1932-1933)ag La lecture du bel article
de
M. Arnold Reymond, paru dans votre n° 1, me met la plume à la main. V
1275
M. Reymond, je le crois, ne m’en voudra pas trop
de
leur vivacité : il connaît bien les Neuchâtelois, qui l’ont beaucoup
1276
beaucoup aimé ; il sait que ces Neuchâtelois sont
d’
infatigables ergoteurs. Pour la commodité du lecteur, je recopie les p
1277
ls s’attachent mes gloses. Je m’excuse par avance
de
l’avantage que je m’accorde en détachant ainsi des phrases du context
1278
s si j’adoptais une autre méthode, les dimensions
de
la Revue n’y suffiraient plus — ni la patience du lecteur à mon endro
1279
ur à mon endroit, je le crains… 1. S’il n’y a pas
de
vérité absolue, en ce sens que tout jugement tenu pour vrai peut être
1280
rai peut être modifié ou complété, les conditions
de
la vérité sont, elles, immuables et éternelles… (p. 12). Les conditi
1281
immuables et éternelles… (p. 12). Les conditions
de
la vérité sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes, de tout temp
1282
té sont donc éternelles (p. 13). Les philosophes,
de
tout temps, ont montré du goût pour une certaine continuité, une cert
1283
ies. La critique postkantienne ayant fait justice
de
certaines prétentions, survivantes chez certains penseurs, à connaîtr
1284
, survivantes chez certains penseurs, à connaître
d’
une vérité absolue, on put se demander si la philosophie n’allait pas
1285
la « discipline » ? Et d’ailleurs, une démission
de
la philosophie eût impliqué, au concret, la démission réelle de tous
1286
hie eût impliqué, au concret, la démission réelle
de
tous les professeurs de philosophie, à quoi personne ne peut songer s
1287
cret, la démission réelle de tous les professeurs
de
philosophie, à quoi personne ne peut songer sérieusement. On trouva d
1288
ils ne tardèrent pas à trouver dans la forme même
de
l’esprit créateur de systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et d
1289
à trouver dans la forme même de l’esprit créateur
de
systèmes. Depuis lors on nous parle du créé et du créant. Mais nous v
1290
nous importe les « conditions » purement logiques
d’
une vérité, qui, à nos yeux, demeure constamment jugée par une réalité
1291
a logique même. Ce sont les conditions actuelles
de
la vérité qui nous posent un problème, et non pas ses conditions « ét
1292
pensons pas qu’il y ait lieu pour un philosophe,
d’
être rassuré par la découverte de telles conditions. Elles constituero
1293
r un philosophe, d’être rassuré par la découverte
de
telles conditions. Elles constitueront peut-être la dogmatique laïque
1294
lles constitueront peut-être la dogmatique laïque
de
la philosophie des sciences, durant quelques années encore. Mais ce n
1295
e. Mais ce n’est pas, comme certains le répètent,
d’
une dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas d’une systématique,
1296
ne dogmatique que nous avons besoin. Ce n’est pas
d’
une systématique, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une
1297
ue, d’ailleurs déduite a posteriori. Ce n’est pas
d’
une méthode de correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’e
1298
déduite a posteriori. Ce n’est pas d’une méthode
de
correction, ou d’assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce q
1299
ori. Ce n’est pas d’une méthode de correction, ou
d’
assurances contre les paradoxes de l’existence. Ce que nous demandons
1300
correction, ou d’assurances contre les paradoxes
de
l’existence. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est de mettre
1301
ce. Ce que nous demandons à la philosophie, c’est
de
mettre en forme une problématique réelle, existentielle, la problémat
1302
lématique réelle, existentielle, la problématique
de
la vie de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandale
1303
que réelle, existentielle, la problématique de la
vie
de l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les
1304
réelle, existentielle, la problématique de la vie
de
l’homme en 1933, assumée dans ses aspects les plus scandaleux, les pl
1305
ux principe du tiers exclu est nié par l’angoisse
de
tout homme qui tente d’assumer son moi contradictoire pour le mettre
1306
lu est nié par l’angoisse de tout homme qui tente
d’
assumer son moi contradictoire pour le mettre aux ordres de la foi. C’
1307
son moi contradictoire pour le mettre aux ordres
de
la foi. C’est une colle de scolastiques ; elle alimentera quelque tem
1308
r le mettre aux ordres de la foi. C’est une colle
de
scolastiques ; elle alimentera quelque temps encore les jeux de socié
1309
s ; elle alimentera quelque temps encore les jeux
de
société des congrès de mathématiciens et de logisticiens ; et pendant
1310
lque temps encore les jeux de société des congrès
de
mathématiciens et de logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la t
1311
jeux de société des congrès de mathématiciens et
de
logisticiens ; et pendant ce temps, c’est à la théologie que nous iro
1312
mps, c’est à la théologie que nous irons demander
de
la pensée, c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pe
1313
ue nous irons demander de la pensée, c’est-à-dire
de
la pensée créatrice, c’est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’
1314
c’est-à-dire de la pensée créatrice, c’est-à-dire
de
la pensée obéissante : car il n’est d’action véritable que celle de l
1315
est-à-dire de la pensée obéissante : car il n’est
d’
action véritable que celle de la foi, lorsque « mettant les pouces »,
1316
sante : car il n’est d’action véritable que celle
de
la foi, lorsque « mettant les pouces », je me rends à son ordre. 2. O
1317
st-elle suffisamment expliquée par l’insuffisance
de
la pensée ancienne ? Les historiens le croient volontiers. Mais on ne
1318
Mais on ne saurait dire qu’ils témoignent par là
de
beaucoup de respect pour la vérité créatrice. Non, notre adhésion à B
1319
ce. Non, notre adhésion à Barth n’est pas le fait
de
la mauvaise humeur et de la mauvaise conscience que fomentèrent en no
1320
Barth n’est pas le fait de la mauvaise humeur et
de
la mauvaise conscience que fomentèrent en nous les démissions systéma
1321
fomentèrent en nous les démissions systématiques
de
l’historicisme et du psychologisme. Le secret de notre adhésion à Bar
1322
de l’historicisme et du psychologisme. Le secret
de
notre adhésion à Barth est dans la pensée de Barth elle-même, et non
1323
cret de notre adhésion à Barth est dans la pensée
de
Barth elle-même, et non pas dans je ne sais quelle « réaction ». Et c
1324
Barth, croyons-nous, n’a jamais proposé ni prôné
de
dogmes « si possible immuables » (p. 14). On pourrait dire qu’il fait
1325
le contraire. Il nous ramène sans cesse à l’état
de
pauvreté (pauvreté en esprit, absence de toute assurance extérieure,
1326
à l’état de pauvreté (pauvreté en esprit, absence
de
toute assurance extérieure, dénuement, vision absolument sobre et dés
1327
uement, vision absolument sobre et désillusionnée
de
la condition humaine) qui est l’état dans lequel la vérité ne peut op
1328
istence que par un choix, une décision, — un acte
d’
obéissance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler de la « restaur
1329
sance à l’ordre « tombé du ciel ». Comment parler
de
la « restauration intégrale d’une dogmatique appartenant aux siècles
1330
». Comment parler de la « restauration intégrale
d’
une dogmatique appartenant aux siècles passés » (p. 14), à propos d’un
1331
s les « formules », en même temps que la critique
de
ces rites et de ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la c
1332
», en même temps que la critique de ces rites et
de
ces formules, toutes les idolâtries, que ce soit la croyance antique
1333
moderne et non moins païenne à la valeur absolue
de
la logique, de l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3.
1334
moins païenne à la valeur absolue de la logique,
de
l’histoire et des méthodes critiques de M. Goguel ? 3. Si notre civil
1335
logique, de l’histoire et des méthodes critiques
de
M. Goguel ? 3. Si notre civilisation chrétienne n’est pas détruite pa
1336
en approfondissant et en élargissant son horizon
de
pensée. Peut-on dire que notre civilisation soit chrétienne ? Peut-o
1337
Peut-on dire que pour le chrétien la perspective
d’
un nouveau progrès, d’une « marche en avant » de la civilisation capit
1338
le chrétien la perspective d’un nouveau progrès,
d’
une « marche en avant » de la civilisation capitaliste-bourgeoise-nati
1339
e d’un nouveau progrès, d’une « marche en avant »
de
la civilisation capitaliste-bourgeoise-nationaliste fournisse une rai
1340
iste-bourgeoise-nationaliste fournisse une raison
de
se montrer optimiste ? Devant des mots comme « approfondissement » ou
1341
comme « approfondissement » ou « élargissement »
de
notre horizon de pensée, nous demandons passionnément et lourdement c
1342
dissement » ou « élargissement » de notre horizon
de
pensée, nous demandons passionnément et lourdement ce que cela peut b
1343
cret. Ce que cela veut dire. C’est une des leçons
de
la guerre. Notre refus est instinctif devant un avenir, un espoir, un
1344
inis. Car là où la pensée n’a rien osé distinguer
de
précis, c’est là que l’action des hommes devient folle et meurtrière.
1345
folle et meurtrière. 4. Il me semble que la tâche
de
la théologie protestante à l’heure actuelle est de dégager, dans un e
1346
e la théologie protestante à l’heure actuelle est
de
dégager, dans un esprit de libre recherche et de respect pour le pass
1347
à l’heure actuelle est de dégager, dans un esprit
de
libre recherche et de respect pour le passé, les invariants chrétiens
1348
de dégager, dans un esprit de libre recherche et
de
respect pour le passé, les invariants chrétiens tels que le développe
1349
es invariants chrétiens tels que le développement
de
la pensée moderne nous aide en toute loyauté à les affirmer (p. 16).
1350
6). Pourquoi ai-je envie, dans une telle phrase,
de
remplacer « libre recherche » par « obéissance », — « respect pour le
1351
ct pour les données présentes » — « développement
de
la pensée moderne » par « approfondissement de la pensée paulinienne,
1352
nt de la pensée moderne » par « approfondissement
de
la pensée paulinienne, calvinienne, luthérienne, kierkegaardienne, di
1353
s pourraient bien apparaître comme les constantes
de
déformation de l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferion
1354
en apparaître comme les constantes de déformation
de
l’Évangile au contact des humains. Et puis, que ferions-nous en atten
1355
rriverait-il si le résultat en était par exemple,
de
démontrer que tel « invariant chrétien » est toute autre chose que l’
1356
faut poser si l’on veut réellement se tirer hors
d’
une confusion sans précédent — d’une confusion dont le profit ne sera
1357
nt se tirer hors d’une confusion sans précédent —
d’
une confusion dont le profit ne sera jamais pour la foi. Car l’opérati
1358
rofit ne sera jamais pour la foi. Car l’opération
de
la foi ne relève pas d’un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à
1359
r la foi. Car l’opération de la foi ne relève pas
d’
un « invariant », connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien d’un o
1360
», connu ou inconnu, passé ou à venir, mais bien
d’
un ordre, reçu hic et nunc, et d’une présence, qui juge tout. ag. R
1361
venir, mais bien d’un ordre, reçu hic et nunc, et
d’
une présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis de, « Petites note
1362
e présence, qui juge tout. ag. Rougemont Denis
de
, « Petites notes sur les vérités éternelles », Revue de Belles-Lettre
1363
Petites notes sur les vérités éternelles », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1932–1933, p. 55-
1364
n vrai clerc. Non pas cet être détaché, déraciné,
de
pure raison, que l’auteur d’un pamphlet fameux voulait nous donner po
1365
e détaché, déraciné, de pure raison, que l’auteur
d’
un pamphlet fameux voulait nous donner pour modèle du clerc qui ne tra
1366
i ne trahit pas. Mais une figure presque parfaite
d’
intellectuel en action, d’homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce q
1367
figure presque parfaite d’intellectuel en action,
d’
homme qui pense ce qu’il fait, qui fait ce qu’il pense. Nous manquons
1368
i fait ce qu’il pense. Nous manquons terriblement
de
tels hommes, en Suisse romande. Nous manquons terriblement de ce sens
1369
es, en Suisse romande. Nous manquons terriblement
de
ce sens de la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je
1370
se romande. Nous manquons terriblement de ce sens
de
la culture qu’incarnait à mes yeux René Guisan, lorsque je le voyais
1371
bibliothèque immense et qu’il me parlait avec feu
d’
actions réelles dont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme d’a
1372
ont il était l’âme et l’agent, non pas en « homme
d’
action » — cette sotte espèce américaine — mais en homme de pensée agi
1373
» — cette sotte espèce américaine — mais en homme
de
pensée agissante. Nous méprisons trop facilement la culture au nom de
1374
ns doute parce que nous avons connu quelques rats
de
bibliothèque qui méprisaient trop facilement l’action au nom de la cu
1375
ien dès l’instant qu’on les sépare et qu’on cesse
de
les mettre en tension. Il n’est d’action créatrice que soumise à la l
1376
et qu’on cesse de les mettre en tension. Il n’est
d’
action créatrice que soumise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’e
1377
Il n’est d’action créatrice que soumise à la loi
d’
une pensée rigoureuse ; il n’est de pensée saine qu’engagée dans une œ
1378
umise à la loi d’une pensée rigoureuse ; il n’est
de
pensée saine qu’engagée dans une œuvre efficace, au sein de contingen
1379
es évidences fondamentales et sans cesse oubliées
de
nos jours, je ne les ai vues vraiment vécues chez nous que par cet ho
1380
plus utilement critique si vous alliez lui parler
d’
un projet, d’une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. I
1381
t critique si vous alliez lui parler d’un projet,
d’
une œuvre en cours, des circonstances d’une humble vie. Il faut décrir
1382
n projet, d’une œuvre en cours, des circonstances
d’
une humble vie. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en ter
1383
ne œuvre en cours, des circonstances d’une humble
vie
. Il faut décrire ces éléments de sa « personne » en termes d’apparenc
1384
es d’une humble vie. Il faut décrire ces éléments
de
sa « personne » en termes d’apparence paradoxale : le secret de son œ
1385
ne » en termes d’apparence paradoxale : le secret
de
son œuvre résidait sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait,
1386
sans doute dans l’union vibrante qu’il incarnait,
de
qualités qui ont coutume, ailleurs, de se gêner mutuellement. Son éru
1387
incarnait, de qualités qui ont coutume, ailleurs,
de
se gêner mutuellement. Son érudition magnifique ne se limitait pas au
1388
aux livres : elle embrassait aussi les incidents
de
la moindre paroisse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu de
1389
nts de la moindre paroisse « libriste » du canton
de
Vaud. Son sens aigu de la qualité intellectuelle, sa rigueur critique
1390
sse « libriste » du canton de Vaud. Son sens aigu
de
la qualité intellectuelle, sa rigueur critique ne l’empêchaient nulle
1391
e, sa rigueur critique ne l’empêchaient nullement
de
se passionner pour les « problèmes » souvent si vagues qui peuplent u
1392
roblèmes » souvent si vagues qui peuplent une âme
d’
unioniste romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et d’une prése
1393
une âme d’unioniste romand. Vraiment, le souvenir
d’
une influence et d’une présence aussi directes et essentielles doit no
1394
romand. Vraiment, le souvenir d’une influence et
d’
une présence aussi directes et essentielles doit nous interdire désorm
1395
tes et essentielles doit nous interdire désormais
de
considérer que l’esprit est une faculté détachée, un refuge hors de l
1396
semble que c’est la leçon que nous devons prendre
de
sa vie : la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir
1397
que c’est la leçon que nous devons prendre de sa
vie
: la leçon toute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir de la
1398
ute goethéenne du clerc qui sert sans rien trahir
de
la primauté de l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprend
1399
du clerc qui sert sans rien trahir de la primauté
de
l’esprit. Peut-être que le seul chrétien peut comprendre, existentiel
1400
comprendre, existentiellement, que cette exigence
de
service, cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte de présenc
1401
t, que cette exigence de service, cet abaissement
de
la pensée aux choses, cet acte de présence au monde est l’achèvement
1402
cet abaissement de la pensée aux choses, cet acte
de
présence au monde est l’achèvement suprême, et non l’humiliation du s
1403
’humiliation du spirituel. ah. Rougemont Denis
de
, « René Guisan : un clerc », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
1404
emont Denis de, « René Guisan : un clerc », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1935, p. 25-26.
1405
éro, appartenant à la série annuelle 1932-1933, a
de
fait paru en 1935.
1406
le Vilain (novembre 1938)aj ak Le poète disait
d’
une belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour
1407
re 1938)aj ak Le poète disait d’une belle voix
d’
amertume : — Nous n’avons plus guère de mesures pour les choses divine
1408
belle voix d’amertume : — Nous n’avons plus guère
de
mesures pour les choses divines et humaines, si nous savons peser d’i
1409
choses divines et humaines, si nous savons peser
d’
invisibles rayons d’énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin
1410
umaines, si nous savons peser d’invisibles rayons
d’
énergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin d’un noble sera pun
1411
nergie. Nos codes ne prévoient pas que l’assassin
d’
un noble sera puni plus sévèrement que n’eût été ce noble assassinant
1412
n serf. Même l’indulgence pour les riches a cessé
d’
être bien certaine. Tout homme en vaut un autre, dit la loi ; et ce re
1413
a loi ; et ce respect vulgarisé touche au mépris.
De
là vient que le meurtrier tantôt est acquitté, tantôt décapité. Vous
1414
yez qu’on oscille du tout au rien, selon l’humeur
d’
un jury d’ailleurs désigné par le sort. Il n’en fut pas toujours ainsi
1415
en fut pas toujours ainsi. Jusqu’au viiie siècle
de
notre ère, les bardes celtes étaient honorés chez les rois. Tenez, li
1416
ire le prix qu’on doit payer quand on le tue, est
de
126 vaches ; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité de 6 vach
1417
er quand on le tue, est de 126 vaches ; et en cas
d’
insulte, on lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces d’argent.
1418
; et en cas d’insulte, on lui doit une indemnité
de
6 vaches et 20 pièces d’argent. » Ailleurs, on voit que si le barde a
1419
n lui doit une indemnité de 6 vaches et 20 pièces
d’
argent. » Ailleurs, on voit que si le barde adresse une requête au roi
1420
ureux ceux qui ont une grande faim, c’est à cause
d’
eux qu’il y a de grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner,
1421
nt une grande faim, c’est à cause d’eux qu’il y a
de
grandes œuvres. Car le vilain qui n’a rien à donner, c’est lui qui vo
1422
nera la joie du chant, plus précieuse que l’objet
de
vos requêtes au roi. — Oui, dit le poète, mais sans nobles, sans rois
1423
t-il y avoir des vilains ? aj. Rougemont Denis
de
, « Le Poète et le Vilain », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchât
1424
gemont Denis de, « Le Poète et le Vilain », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1938, p.
1425
te introductive précise : « Nous avons le plaisir
de
publier en tête de ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont,
1426
cise : « Nous avons le plaisir de publier en tête
de
ce numéro une page inédite de Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu
1427
de publier en tête de ce numéro une page inédite
de
Denis de Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous d’un ouvrag
1428
Rougemont, qu’il a bien voulu extraire pour nous
d’
un ouvrage qu’il prépare et qu’il intitulera Doctrine fabuleuse . »
1429
oublié ? Un « ton fondamental » ? Des mouvements
de
mots ? ou seulement un désir différent de tout autre désir auparavant
1430
vements de mots ? ou seulement un désir différent
de
tout autre désir auparavant connu de le revivre, ce poème, de le reli
1431
ir différent de tout autre désir auparavant connu
de
le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire, de le recomposer co
1432
e désir auparavant connu de le revivre, ce poème,
de
le relire en sa mémoire, de le recomposer contre l’oubli comme son au
1433
le revivre, ce poème, de le relire en sa mémoire,
de
le recomposer contre l’oubli comme son auteur l’avait écrit contre l’
1434
ui émeut quand plus rien n’est là ? Je ne gardais
de
Hölderlin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes br
1435
là ? Je ne gardais de Hölderlin que des souvenirs
d’
élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats d
1436
gardais de Hölderlin que des souvenirs d’élans ou
d’
amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière é
1437
lin que des souvenirs d’élans ou d’amples chutes,
de
rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’imme
1438
rs d’élans ou d’amples chutes, de rythmes brisés,
de
noms grecs, d’éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérie
1439
’amples chutes, de rythmes brisés, de noms grecs,
d’
éclats de lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins en
1440
hutes, de rythmes brisés, de noms grecs, d’éclats
de
lumière élevés dans l’immense paysage intérieur. Ou moins encore, que
1441
labes et des tirets remplaçant le début ou la fin
d’
un verset, appels nostalgiquement privés de sens à cause de tant d’ann
1442
la fin d’un verset, appels nostalgiquement privés
de
sens à cause de tant d’années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquef
1443
ls nostalgiquement privés de sens à cause de tant
d’
années d’oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémora
1444
giquement privés de sens à cause de tant d’années
d’
oubli, pensais-je. Je notais quelquefois ces fragments mémorables pour
1445
quelquefois ces fragments mémorables pour essayer
d’
en retrouver le complément, fût-ce par la suggestion de l’arrangement
1446
retrouver le complément, fût-ce par la suggestion
de
l’arrangement graphique. Ainsi quelques départs : Feiern möcht ich,
1447
r unserer Seele beginnt. Je retrouvais sans trop
de
lacunes deux quatrains d’une déchirante simplicité, que j’avais tradu
1448
Je retrouvais sans trop de lacunes deux quatrains
d’
une déchirante simplicité, que j’avais traduits à vingt ans : Die Lini
1449
rtaines coupes du verset, ces attaques identiques
de
deux des grands poèmes de la folie : Nah ist Und schwer zu fassen de
1450
ces attaques identiques de deux des grands poèmes
de
la folie : Nah ist Und schwer zu fassen der Gott21 Reif sind, in Fe
1451
nt absence du son, du sens, mais sourde pulsation
d’
un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et
1452
u son, du sens, mais sourde pulsation d’un blanc,
d’
un vide. « Énigme, ce qui naît d’un jaillissement pur ! Et par le chan
1453
tion d’un blanc, d’un vide. « Énigme, ce qui naît
d’
un jaillissement pur ! Et par le chant lui-même à peine dévoilé ». Gro
1454
par le chant lui-même à peine dévoilé ». Groupes
de
mots émergeant de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Ar
1455
même à peine dévoilé ». Groupes de mots émergeant
de
la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de
1456
». Groupes de mots émergeant de la mémoire comme
de
l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins de quelque immense Hes
1457
nt de la mémoire comme de l’Égée vineuse ces îles
de
l’Archipel, témoins de quelque immense Hespérie effondrée mais dont l
1458
de l’Égée vineuse ces îles de l’Archipel, témoins
de
quelque immense Hespérie effondrée mais dont les noms, par cette voix
1459
coup m’était restitué L’enthousiasme errant, fils
de
la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif
1460
ant, fils de la belle Nuit 24. Nuit blanche, nuit
d’
un bleu doré lunaire — négatif de cet azur noir du plein midi sur les
1461
it blanche, nuit d’un bleu doré lunaire — négatif
de
cet azur noir du plein midi sur les Cyclades. Mais Hölderlin n’a jama
1462
s au-delà des accidents remémorés, qu’en était-il
de
la substance des grands poèmes ? L’émotion rénovée par ces fragments
1463
ces fragments — départs, invocations, noms sacrés
de
l’Ionie — était-elle plus pure et plus vraie, plus efficace que le di
1464
dans le texte, émergeant comme des îles du blanc
de
la page, et parfois prolongés par une suite de tirets signalant des r
1465
nc de la page, et parfois prolongés par une suite
de
tirets signalant des reliefs sous-marins25. En cherchant à les complé
1466
ne faisais pas autre chose que le poète à partir
d’
un signe, d’un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir a
1467
pas autre chose que le poète à partir d’un signe,
d’
un nom, d’une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Höld
1468
chose que le poète à partir d’un signe, d’un nom,
d’
une lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’é
1469
oète à partir d’un signe, d’un nom, d’une lumière
de
l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi de Hölderlin, c’était revenir à
1470
lumière de l’Hellade imaginée. Se souvenir ainsi
de
Hölderlin, c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan de sa nos
1471
c’était revenir à la genèse du poème dans l’élan
de
sa nostalgie fondamentale. D’une poésie dont le mouvement profond de
1472
u poème dans l’élan de sa nostalgie fondamentale.
D’
une poésie dont le mouvement profond de « réflexion » sur le « sentime
1473
damentale. D’une poésie dont le mouvement profond
de
« réflexion » sur le « sentiment originel » a pour fonction de « rapp
1474
n » sur le « sentiment originel » a pour fonction
de
« rappeler la vie perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire q
1475
iment originel » a pour fonction de « rappeler la
vie
perdue à une vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’une
1476
a pour fonction de « rappeler la vie perdue à une
vie
magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie d’elle-
1477
vie magnifiée »26, on peut bien dire qu’elle naît
d’
une nostalgie d’elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue d
1478
6, on peut bien dire qu’elle naît d’une nostalgie
d’
elle-même. Hölderlin, lui, dira qu’elle se constitue dans son « aspira
1479
n » à exprimer, c’est-à-dire dans « la transition
d’
un infini défini à un infini plus général », du « pur » au « multiple
1480
i plus général », du « pur » au « multiple » et «
de
l’Esprit au signe », transition qui relève ici, comme chez Hegel, et
1481
et bien plus haut, chez Héraclite et les ioniens,
de
la dialectique essentielle, celle de l’Un et du Divers. Poésie, c’est
1482
les ioniens, de la dialectique essentielle, celle
de
l’Un et du Divers. Poésie, c’est absence, appel, invocation. Tout bon
1483
revenir dans le mythe. Le Neckar sera beau quand
d’
une Grèce dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés d’Athènes, «
1484
e dorienne — Cap Sounion, Olympie, temples ruinés
d’
Athènes, « fierté du monde qui n’est plus »27 — le poète se retournera
1485
aginé comme enfance perdue, mais aussi comme aimé
de
loin, dans un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie de rêve,
1486
mme aimé de loin, dans un futur anticipé qui fera
de
lui un passé. Ionie de rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus.
1487
un futur anticipé qui fera de lui un passé. Ionie
de
rêve, où jamais il n’ira, car elle n’est plus. Paysages évoqués — non
1488
ant, verdoyant, lumineux ou en fête —, purs états
d’
âmes ! Ces « jardins de Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « a
1489
x ou en fête —, purs états d’âmes ! Ces « jardins
de
Bordeaux, là-bas », cette Palmyre en ruine « aux plaines du désert »,
1490
en ruine « aux plaines du désert », et ce Gothard
d’
où partent les grands fleuves, le Rhin allemand, mais aussi l’Aigle ve
1491
mais aussi l’Aigle vers l’Olympe, vers les antres
de
Lemnos, et vers les forêts de l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un pr
1492
pe, vers les antres de Lemnos, et vers les forêts
de
l’Indus ! Mallarmé fixe tout dans un présent glacé, intemporel (« Le
1493
splendides villes »), Apollinaire hante la marge
d’
émotion entre le souvenir de naguère et sa restitution dans un présent
1494
inaire hante la marge d’émotion entre le souvenir
de
naguère et sa restitution dans un présent d’ubiquité. Éluard ne conna
1495
enir de naguère et sa restitution dans un présent
d’
ubiquité. Éluard ne connaît que l’instant, le temps ponctuel. Mais Höl
1496
ses grands hymnes décrivent toutes les dimensions
de
l’absence, de l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la tra
1497
nes décrivent toutes les dimensions de l’absence,
de
l’éloignement dans le temps, dans l’espace, dans la transcendance, ma
1498
temps, dans l’espace, dans la transcendance, mais
d’
une absence qui est toujours appel, nostalgie qui se mue en prophétie
1499
du Verbe qui nous meut et nous oriente : le passé
de
l’invocatif28 qui est un temps de la prophétie, appelant le retour de
1500
ente : le passé de l’invocatif28 qui est un temps
de
la prophétie, appelant le retour des dieux morts ou dormants ; l’impa
1501
qui est le temps du poète voyant ; et le présent
d’
exil, temps du poète souffrant. Car il nous avertit que son langage n’
1502
ndent qu’il nous forme — « car si quelque langage
de
la nature et de l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en
1503
forme — « car si quelque langage de la nature et
de
l’art… préexistait pour lui… le poète se placerait en dehors de son c
1504
lui… le poète se placerait en dehors de son champ
d’
efficacité, il sortirait de sa création »29. Son langage, il le fait d
1505
en dehors de son champ d’efficacité, il sortirait
de
sa création »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et de signes
1506
irait de sa création »29. Son langage, il le fait
de
noms sacrés et de signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ».
1507
on »29. Son langage, il le fait de noms sacrés et
de
signes élus, qualifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte de
1508
ifiés par un « ton fondamental ». C’est une sorte
de
code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’île
1509
. C’est une sorte de code initiatique, le chiffre
de
sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et
1510
code initiatique, le chiffre de sa religion. Noms
de
fleuves et d’îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suf
1511
ue, le chiffre de sa religion. Noms de fleuves et
d’
îles, de cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifie
1512
hiffre de sa religion. Noms de fleuves et d’îles,
de
cités, de hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et act
1513
sa religion. Noms de fleuves et d’îles, de cités,
de
hauts lieux ; et leur seul énoncé suffit à qualifier et activer la no
1514
mos, et Dodone, et Délos, et Delphes, et le matin
de
Salamine, et l’Hespérie, « Couchant du temps ». Sous la Rousse et la
1515
. Sous la Rousse et la Flamboyante, hautes parois
de
roches nues dominant Delphes (et de plus haut encore fonce un milan s
1516
t de plus haut encore fonce un milan sur sa proie
d’
ombre) au bord de la fontaine aux eaux « saintes et sobres », écoutons
1517
dès que dans l’ombre des chênes Brillera la lueur
de
ton flot surgissant, Castalie ! Ah ! je veux Dans la vasque puiser, à
1518
e veux Dans la vasque puiser, à travers le parfum
de
tes fleurs, et répandre, Sur le sol où renaît la prairie, l’eau sacré
1519
dans le val qui se tait, près des rocs suspendus
de
Tempé, Près de vous j’élirai ma demeure à jamais, près de vous, noms
1520
rche poétique, au chapitre traitant du langage et
de
son « efficacité ». 24. André Chénier. 25. Le précieux Hölderlin de
1521
s allemandes. 26. Cf. l’essai cité, page 268 éd.
de
la Pléiade. 27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte de futur
1522
27. Le Neckar, Pléiade, p. 459. 28. Une sorte
de
futur, en réalité, comme le futur antérieur est une sorte de passé.
1523
n réalité, comme le futur antérieur est une sorte
de
passé. 29. Essai cité, Éd. de la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Arc
1524
ieur est une sorte de passé. 29. Essai cité, Éd.
de
la Pléiade, p. 630. 30. Je cite l’Archipel dans la belle adaptation
1525
ite l’Archipel dans la belle adaptation rythmique
de
Jean Tardieu. Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, «
1526
a belle adaptation rythmique de Jean Tardieu. Éd.
de
la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis de, « Hölderlin dans le sou
1527
Éd. de la Pléiade, p. 826. al. Rougemont Denis
de
, « Hölderlin dans le souvenir des noms splendides », Revue de Belles-
1528
lin dans le souvenir des noms splendides », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, 1968, p. 15-19.